Dans leur immense majorité, les Bretons ne sont pas du tout nationalistes. Que cela plaise ou non, on est donc statistiquement bien loin des conceptions à la catalane (50 % sont pour l’indépendance) ou écossaise (30 %). Mais cela n’empêche pas que l’attachement à la Bretagne soit le plus fort (88%) tout en s’associant aux autres appartenances (la France à 81 % etc.).
Dans ce contexte, nous proposons pour traiter le sujet de renouer avec un autre concept initié par le géographe breton Maurice Le Lannou en 1941 : celui « d’homme habitant » (1). L’expression est très riche et nous plait beaucoup pour plusieurs raisons. D’une part, elle correspond à la réalité d’individus habitant dans différents territoires inscrit de leur commune au vaste monde. L’analyse correspond en Bretagne à ce concept d’appartenance aux différentes « coquilles identitaires » isolées par Ronan Le Coadic ou plus récemment par Mona Ozouf. Surtout, l’expression de « l’homme habitant » isole un nom mais aussi un participe présent. L’homme est « un habitant » ayant des périmètres de vie et des espaces géographiques emboîtés (sa commune, son pays, sa région, la France, le monde). Mais il est aussi un acteur et « participe au présent » aux enjeux de la construction territoriale. L’idée « d’homme habitant » peut donc marier les deux concepts d’individu et de citoyenneté via les modalités variées de son inscription territoriale. La redéfinition des concepts est précieuse car les mots sont des signifiants.(2)
Derrière les mots se cachent la nature des projets politiques. Parions en Bretagne sur l’émergence des « hommes habitants ». C’est une avancée. Dans le modèle de prospective proposé par Bretagne Prospective, ce terme remplacera désormais ceux d’individus ou de citoyens qui –est-ce un hasard ?- ont jadis été employés tour à tour car l’on ne parvenait pas à se déterminer. Derrière les termes sont les concepts. Et l’histoire prouve l’importance cruciale d’avoir les mots justes. Dis-moi comment tu t’appelles, je te dirai qui tu es et ce que tu fais. Derrière le fait de se définir comme « citoyen » ou « homme-habitant » se cache une conception différente, comme la crête bien prise d’une vague permettant de surfer vers ailleurs. Aux Bretons, s’ils le souhaitent, de déplacer toujours les idées pour porter les ambitions.
(1) https://www.persee.fr/doc/geoca_0035-113x_1993_num_68_4_5859
(2) https://www.ouest-france.fr/bretagne/carte-en-bretagne-la-population-croit-plus-vite-que-la-moyenne-en-france-303c3398-67f9-11ec-8ca2-e247a45f1eee
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